Un virus inconnu, une épidémie, des réactions : histoire classique
Si la mémoire retient principalement le souvenir dramatique de la peste noire1 ou de la grippe espagnole2, toutes les recherches historiques montrent d’innombrables vagues épidémiques. La lèpre, le choléra, la syphilis, la variole, les dysenteries ravagent pendant des siècles les populations qui développent des stratégies empiriques pour tenter de s’en protéger3. Passé l’effroi et la panique, la science du moment cherche à établir des diagnostics et, devant l’inefficacité des remèdes ordinaires, expérimente des traitements. En tout temps et en tous lieux, des médecins, dans leur grande majorité4, se sont lancés dans la lutte contre la maladie inconnue malgré la non-maîtrise de la contagion et leur exposition personnelle aux risques. L’épidémie de sida à la fin du XXe siècle ne déroge pas à cette chronologie5. La seule différence notable est l’émergence d’une revendication de suppression du secret professionnel. Alors même que le dernier épisode de peste en 1920 à Paris avait été jugulé sans jamais transgresser le secret6, les années 1990 virent s’exprimer une demande médicale d’écarter le secret pour avertir les proches d’un patient infecté par le VIH. La tentation de violer le secret devint même une tentative, celle-ci demeure heureusement jusqu’à aujourd’hui infructueuse. Trente ans après les débats sur le VIH, la question d’une dérogation au secret professionnel pour lutter contre le covid-19 se pose. L’expérience de la lutte contre le sida nous a donné trois leçons précieuses à l’heure du covid-197.
Leçon 1 : La peur du sida conduisit certains à demander l’affaiblissement du secret
L’irrationalité de la peur
Confronté à une menace, l’être humain est frappé par la peur8. Confronté à l’épidémie de sida, le monde entier a été saisi d’effroi9. Les comportements les plus irrationnels se sont manifestés, allant jusqu’à stigmatiser et à discriminer les porteurs du virus ou prétendus tels10 ! ...