Combien d'enfants et de jeunes la période du confinement aura-t-elle précipités dans la case des « décrocheurs » ? La question inquiète le monde éducatif et tout autant les travailleurs sociaux mobilisés pour raccrocher ceux qui s'éloignent, et resserrer les liens avec une école accusée d'amplifier les inégalités sociales.
Opération « école ouverte » en plein été, « colonies apprenantes »... Ces vacances estivales n'auront jamais été aussi studieuses et ce, dans l'espoir d’amortir une rentrée scolaire qui s'annonce à hauts risques, avec, probablement, un nombre de décrocheurs en augmentation alors même que le phénomène était en voie d'amélioration .
Environ 80 000 jeunes seraient concernés en 2019 pour 140 000 en 2014, selon le ministère de l'éducation nationale, qui entend par « décrocheurs » les jeunes qui quittent le système éducatif sans avoir obtenu aucun diplôme de second cycle (avec au mieux le brevet des collèges).
Lors de son interview du 14 juillet dernier, le président Emmanuel Macron a insisté : « Aller chercher ces élèves est le "défi" de l'été ». Avant d'indiquer qu'il n'aimait pas le terme de "décrocheurs"... « Je préfère les accrocheurs, parce qu'on aura besoin de leur vitalité, de leur force, et on devra les aider ».
Alors qu'une première mesure, d'obligation de formation visant les 16-18 ans, était déjà actée (en lien avec la stratégie pauvreté) pour la rentrée scolaire 2020, le nouveau premier ministre, Jean Castex a finalement dévoilé jeudi 23 juillet la stratégie complémentaire prévue par le plan «#1jeune1solution » en direction des intéressés : un parcours personnalisé de 4 mois, pour 35 000 décrocheurs de 16 à 18 ans (lire encadré ci-dessous).
Un décrochage aux causes multiples
Il y a de fait urgence à agir : le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré avoir perdu le contact avec 4 % des élèves à la fin du confinement - contre 8 % au début -, et encore ce chiffre ne concerne-t-il que les élèves qui n'ont jamais donné de leurs nouvelles, et non ceux qui sont restés en contact avec leur établissement en pointillé, ni non plus ceux qui n'auront pas assimilé les notions.
Un décrochage dû à des difficultés multiples : relation déjà distendue avec le système scolaire, absence d'équipement informatique pour poursuivre les apprentissages à la maison, conditions de vie difficiles ou encore impossibilité pour les parents d'accompagner leur enfant.
Un énorme stress
Si la précarité sociale a pesé lourd sur le confinement comme sur la poursuite de la scolarité, les parents concernés sont restés particulièrement mobilisés. « La question de l'école à la maison a été la source d'un énorme stress pour les familles que nous accompagnons », témoigne Marie-Aleth Grard.
Celle qui est désormais présidente d'ATD Quart Monde précise : « Tout en ne maîtrisant pas tous les codes de l'école, elles essayent de suivre à la lettre les directives. Elles ont ainsi passé de nombreuses heures sur les devoirs, là où des familles plus favorisées se sont organisées avec davantage de détachement : par exemple, les devoirs seulement le matin pour que les parents puissent être complètement en télétravail l'après-midi »...