Avec son livre clairement hostile à la PMA-GPA, la philosophe Sylviane Agacinski aligne les principes sans rapport avec la réalité.
On attendait mieux de la philosophie. Agrégée dans cette discipline, longtemps enseignante, Sylviane Agacinski, qui prend souvent part au débat public au nom de sa qualité de philosophe, donne un livre militant hostile à la «PMA pour toutes» dont l’argumentation très savante peut impressionner, mais qui en fait ne vaut pas grand-chose. C’est souvent le problème des philosophes qui descendent dans l’arène. En se maintenant à un niveau abstrait, en s’appuyant non sur la patiente observation de la réalité pour ensuite remonter aux principes, mais en se contentant de citer d’autres livres tout aussi généraux, ils ou elles finissent par tourner en rond et présenter, sous une forme sophistiquée et malaisée à lire, de simples pétitions de principes.
L’idée de Sylviane Agacinski n’est guère nouvelle : l’alliance de la technique et du marché, distinctive des sociétés capitalistes modernes, nous conduit à un système déshumanisé, artificiel, qui érige la volonté individuelle en seul fondement de l’organisation juridique et produit une nouvelle forme d’oppression, camouflée par des principes de liberté. Née avec la Révolution industrielle, cette critique est commune au socialisme, qui prend en compte «l’homme social» - et non le seul individu - pour lui promettre la maîtrise collective de son destin, et au conservatisme, qui veut restaurer les anciens principes «holistes» qui fondent un ordre appuyé sur la tradition, dont le temps aurait légitimé la pertinence. Munie de ce viatique, la philosophe range dans la catégorie des innovations oppressives ces deux revendications d’inspiration égalitaire que sont la procréation médicalement assistée (PMA) ouverte à toutes les femmes et la gestation pour autrui (GPA) qui permet aux couples homosexuels masculins de fonder une famille. Ces deux techniques de procréation, si elles sont autorisées, ou quand elles le sont, marqueraient deux étapes décisives vers l’instauration d’un «marché total», selon son expression, c’est-à-dire une société entièrement soumise à l’ordre «ultra-libéral», avec son cortège de pratiques inégalitaires et oublieuses de l’humain, dont PMA et GPA seraient le symbole. Ainsi dans le débat actuel sur l’ouverture de la PMA, l’auteure se range résolument du côté des adversaires de la réforme annoncée par le gouvernement.
" Les militants anti-PMA liront Agacinski. Les autres auront avantage à se fonder sur le livre de Mecary PMA et GPA, un «Que sais-je ?» clair et pédagogique. Ce qui leur permettra de philosopher pour ou contre, non dans le ciel nuageux des abstractions, mais à partir des réalités."
Laurent Joffrin, Libération
Bibliographie de Caroline Mecary